Le monde de l'esthétique médicale s'est métamorphosé au cours des dix dernières années. En témoignent la stagnation du nombre d'interventions en chirurgie esthétique et la croissance linéaire des actes de médecine esthétique, avec, au premier chef, les injections de botox et de produits de comblement de rides.
Les résultats sont intéressants avec un praticien expérimenté et des produits «sûrs».
Face à une situation incluant en permanence de nouveaux procédés, les autorités sanitaires ont du mal à offrir aux populations une évaluation des bénéfices, mais surtout des risques de ces actes. Par ailleurs, la simplicité apparente des procédures et les gains qu'elles rapportent attirent désormais des généralistes, et plus seulement des chirurgiens spécialisés ou des dermatologues. Il n'est cependant plus possible d'ignorer ces techniques, qui, entre des mains expertes et responsables, peuvent offrir un aspect plus jeune du visage, moyennant des injections régulières. Un encadrement est nécessaire pour protéger les consommateurs des mésusages.
L'Agence française de sécurité sanitaire des produits de santé (Afssaps) a rendu en 2010 un avis sur les produits de comblement des rides, estimant que ceux qui étaient lentement ou non résorbables étaient fortement déconseillés. De son côté, le ministère de la Santé définit dans un décret à paraître fin juin 2010 les conditions de pratique de cette médecine. Selon l'Imcas (International Master Course on Ageing Skin), présidé par le Dr Benjamin Ascher, chirurgien esthétique à Paris (1), le marché français des produits injectables était estimé à 30 millions d'euros en 2009, signe d'un vrai engouement pour ces pratiques.
Résultats intéressants pour l'acide hyaluronique pur
Près de 600 000 injections à visée esthétique annuelles sont effectuées en France selon l'Afssaps. Dans la moitié des cas, il s'agit de botox, c'est à dire de toxine botulique très faiblement dosée, qui en paralysant certains muscles et en les empêchant de se contracter, évite la formation de rides. Dans l'autre moitié des cas environ, il s'agit de produits dits de comblement, destinés à faire disparaitre les rides (souvent autour de la bouche), mais cette fois en les remplissant d'une sorte de gel inerte.
«En tant qu'expert, je n'ai jamais vu de complications du Botox, sauf des cas d'asymétries transitoires du visage, notamment des sourcils lorsque l'injection a été mal faite», assure le Pr Patrice Morel, chef du service de dermatologie de Saint-Louis, expert auprès des tribunaux.
«Avec les acides hyaluroniques purs, il n'y a pas de risque de complications sérieuses » précise le Pr Patrice Morel. En revanche, les produits lentement résorbables, qui mélangent parfois de l'acide hyaluronique à d'autres substances, ou les non-résorbables (gel de silicone) sont dangereux et peuvent induire des complications importantes, notamment des granulomes (gros nodules inflammatoires autour du produit injecté, NDLR), qui peuvent apparaître même plusieurs années après l'injection.
Même écho de la part de Jean-Claude Ghislain, directeur de l'évaluation des dispositifs médicaux de l'Afssaps: «Moins les produits sont résorbables, plus le risque d'effets secondaires est important».
Même avec l'acide hyaluronique pur, certains effets secondaires transitoires existent, rougeur, hématome.
«Il n'y a jamais de risque infectieux lorsque l'injection est faite dans un cadre aseptique strict » ajoute le Dr Ohana. Il est alors possible de redonner une certaine fraicheur au visage.»
Les produits de comblement injectables soulèvent plus de questions de sécurité. Ils offrent certes des résultats assez intéressants et sûrs, à condition que soit utilisé de l'acide hyaluronique pur, un constituant naturel du collagène désormais produit par génie génétique et qui se résorbe complètement en 8 à 12 mois. Et à condition aussi que l'injection soit faîte par des mains expertes. Mais environ 80 produits de comblement sont commercialisés en France par 25 fabricants. Comment s'y retrouver?
Mais quels bénéfices?
«On a remplacé, par exemple, des interventions de chirurgie esthétique lourdes pour gommer les rides du front, par un geste bénin, grâce au botox » répond quant à lui le Dr Sydney Ohana, chirurgien plasticien à Paris, président d'honneur de la Société française de chirurgie esthétique (2). Mais, pour obtenir de très bons résultats avec le botox, il faut bien connaître, comme les chirurgiens, l'anatomie de tous les petits muscles du visage, leur action. C'est un art, car il faut trouver un équilibre entre les différents muscles afin de préserver l'expression du visage, sans effet lissant excessif.»
Un décret sur l'habilitation
Qui peut être habilité à pratiquer ces injections ? Les chirurgiens plasticiens et les dermatologues, bien sûr. Les généralistes commencent à s'y mettre. Des formations de qualité variable existent. Un décret sur l'habilitation est en cours dans un climat assez conflictuel.
«Quels que soient les médecins habilités, ils doivent tous avoir une formation préalable solide, pour protéger les patients et éviter les complications» affirme le Dr Vladimir Mitz, chirurgien plasticien, Paris.
Les injections de Botox ou d'acide hyaluronique coûtent chers (300 euros en moyenne la seringue) et doivent être répétées une à deux fois par an. On comprend l'engouement des praticiens pour cette médecine lucrative, qui risque de les détourner d'une pratique plus ingrate, moins rentable, mais tellement plus indispensable.
(1) L'auteur de Toxine botulique: info ou intox, Hachette.
(2) L'auteur d'Histoire de la médecine esthétique de l'antiquité à nos jours, Flammarion.
Par Martine Perez – Le Figaro -
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